La Maison Wakhie du Pamir, Vallée de Chapursan

Même s’il connaît un exode, parfois temporaire, vers les grandes villes du sud du Pakistan, le village de Zoodkhun (également orthographié Zuwudkhoon) est toujours bien vivant. De nos jours, de nombreuses maisons sont construites ou agrandies. Il est possible d’y observer une structure pamirie datant des Atash-Parast (adorateurs du feu, zoroastriens). Cette permanence pourrait être due aux religions (y compris anciennes) mais aussi à une parfaite adéquation avec les contraintes environnementales et les ressources disponibles dans ce secteur reculé de la vallée de Chapursan.

Sommaire

Zood Khun, aussi appelé Zuwud Khoon, est le dernier village de la Vallée de Chapursan (Chipurson, Chipursan, Chapurson), située dans le Gojal, Haute Hunza, Pakistan. De là, une piste permet de rejoindre le très révéré sanctuaire soufi de Baba Ghundi avant de s’élever vers le col d’Irshad, 4977m, permettant de passer dans le Pamir afghan, à l’extrémité du corridor du Wakhan.


Les maisons de Zoodkhun ont une structure pamirie permettant répondre aux contraintes d’un environnement de haute montagne


De l’extérieur, un quadrilatère compact pour affronter les hivers rigoureux

La maison (Khana ou Khane), à Zood Khun, n’a qu’un rez-de-chaussée, contrairement, par exemple, à celles de l’ancienne ville fortifiée de Ganish, où l’expansion horizontale n’était pas possible. “Khana” semble être le mot général wakhi pour maison comme dans “jamat khana” (maison religieuse communautaire). Cependant, Jansher Khan Tajik Wakhani dit qu’à Chapursan, le mot “khun” est utilisé au lieu de “khana”, comme pour Zood Khun, le nom du village, littéralement la “première maison” en descendant du col d’Irshad.
La couverture du bâtiment est constituée d’une terrasse utilisée pour le séchage et pour le stockage de la paille ou du fourrage, offrant ainsi plus d’isolation. La future école publique est l’une des rares exceptions. Elle est coiffée d’une charpente. Cette école doublera partiellement celle de la Fondation Aga Khan, D J High School, située à la jonction des hameaux de Zoodkhun et de Shitmerg (également orthographié Shetmerg, Shetmarj ou Shuthmarg). On peut craindre que sa couverture ne soit constituée de plaques de métal d’une couleur vive et brillante. Cela pourrait banaliser l’environnement et casser une partie de sa cohérence visuelle.

Maison de pierre sèche avec joints en terre. Foin qui sèche sur le toit par Bernard Grua
Zoodkhun, foin stocké sur le toit d’une étable

Autour de la structure centrale de la khana, des bâtiments supplémentaires tels que des toilettes, une étable-écurie-bergerie, des hangars, une véranda et des pièces d’été (avec fenêtres) peuvent être ajoutés (voir une disposition similaire dans Nazif Shahrani, “The Kirghiz and Wakhi of Afghanistan”, page 66). En conséquence, ils forment une autre couche pour protéger la partie centrale du froid extérieur direct et du vent.

Maison pamirie de Tusiaon, Tadjiistan par Bernard Grua
Maison pamirie shughnie à Tusion près de Khorog, Tajikistan

La disposition traditionnelle de la khana de Chapursan est un archétype des constructions du Pamir, bien qu’elle puisse également être trouvée dans le Karakoram et dans l’Hindou Kouch. Comme dans le Pamir tadjik et afghan, c’est un abri chaud (en hiver) ou tempéré (en été) sans fenêtres latérales. La porte extérieure ne s’ouvre pas directement sur la pièce principale. Les habitants et les visiteurs doivent traverser un couloir labyrinthique, parfois fermé par une porte supplémentaire. Sur le toit se trouve un puits de lumière, une protubérance vitrée dont de larges panneaux peuvent être ouverts à la demande. Ce dispositif est particulièrement économe en énergie. En effet, la couche de chaleur, allant vers le haut, arrête l’entrée d’air froid en hiver. En été, lorsque les panneaux sont ouverts, l’espace intérieur est refroidi efficacement.

Maison pamirie de Yamchun dans le corridor du Wakhan par Bernard Grua
Maison pamirie wakhie à Yamchun, corridor du Wakhan, Tadjikistan (rive droite du Piandj)

Tel un sous-marin, à l’intérieur de ses différentes couches de protection: ballasts, batteries, voire double coque, la structure centrale étanche est prête à plonger dans l’hiver hostile. Cette partie principale de la khana (khun) révèle une organisation complexe.

Note: en Shughni (autre langue pamirie du Tadjikistan et de l’Afghanistan, la maison se dit “Chid”)

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A l’intérieur, un puzzle sophistiqué, issu d’une tradition immémoriale

L’espace est divisé en différentes plateformes. Chacune d’entre elle a une fonction spécifique. Leur description, qui suit, est largement inspirée de l’article rédigé par Hannibal Taubes, sur son blog (en anglais). La disposition de la pièce principale, illustrée ci-dessous, est une réplique de son dessin manuel basé sur ses observations faites à Shimshal. Cela pourrait différer ailleurs. Cependant, l’articulation des différentes plateformes est pertinente et apporte plus d’éclaircissements qu’elle ne crée de confusion. Ce travail a été complété par les informations reçues de Jansher Khan Tajik Wakhani, Haider Badakhshoni et Dilawar Figar. Bien que la langue wakhie ne soit pas écrite, la translittération en caractères latins peut faire l’objet d’interprétations. Les piliers sont représentés en rouge. Les numéros blancs sont les plates-formes décrites ci-dessous.

Plan intérieur d'une maison pamirie de Zood Khun par Bernard Grua
Disposition intérieure d’une maison de Zood Khun

1. Kunj : (Kungh). Il s’agit d’une antichambre pour empêcher le vent de souffler directement dans la maison. Elle est également, maintenant, utilisée pour les chaussures. L’entrée de la maison se nomme Sorye (Suriye).
2. Yoch : (Yorc). C’est l’espace pour souhaiter la bienvenue ou pour danser lors des mariages et des fêtes. Autrefois, c’était aussi un lieu de travail, de stockage de combustible à usage immédiat et de déchaussage. Nazif Shahrani dit que, dans le Wakhan afghan, il est utilisé pour les animaux nouveau-nés ou malades nécessitant des soins la nuit, surtout pendant les hivers. À Zood Khun, cette dernière tâche est effectuée dans le Kalaraj (6) comme expliqué ci-dessous.
3. Pastraj : (Past Raz) Espace pour dormir. Couettes et couvertures y sont roulées le jour et étalées la nuit.
4. Sinaraj : Espace supplémentaire pour dormir.

5. Nikard : Poêle et coin repas. Le lieu où l’on s’assoit est une place carrée autour de la cheminée. Les hommes se tiennent sur le côté droit. On s’y installe dans un ordre spécifique. Les invités, les personnes âgées ou les chefs religieux ont la priorité pour prendre place, au plus près du poêle (B). Les personnes les plus respectées s’assoient en premier, puis c’est au tour des jeunes. Les femmes se mettent à gauche. Une règle de hiérarchie similaire à celle des hommes est également suivie du côté féminin de l’espace de vie (A). Les endroits les plus importants pour s’asseoir sont appelés dildungban.
6. Kalaraj : (Kla Raz) Troisième emplacement pour le repos. Autrefois, en hiver, il pouvait être utilisé pour les animaux.
7. Dildung : (Dildong, Dong) Cuisine et espace pour les enfants. C’est la plate-forme la plus haute (jusqu’à 1 m de haut). Il s’agit à l’origine d’un foyer-fourneau (tandoor) fait d’argile et de pierres, capable d’accumuler de la chaleur et de la restituer la nuit, même si le feu est éteint. Odinmamadi Mirzo (Wakhan, 2010, p. 78) dit que son nom en tadjik du Wakhan est degdon (mauvaise translittération ?). Il ajoute : “Enfin, du point de vue de la religion zoroastrienne, le dedgon représente le lieu d’adoration du feu”. L’auteur présente également certaines traditions ancestrales concernant le feu et les foyers qui sont considérées comme devant être obligatoirement suivies (Wakhan, 2010, p. 109). Aujourd’hui, le Dildung est moins utilisé en tant que fourneau. Il est complété par un poêle en métal placé devant.
8. Warasar : stockage. Deux murs à mi-hauteur ou des armoires en bois séparent les deux Warasar (8) du Dildung (7), du Sinaraj (4) et du Kalaraj (6).
9. Jkeesh : (Cekish, Chukish) Cuisson et stockage.
10. Ganz : (Ghanz, Ghananz) Réserve. Dans certaines maisons, cette pièce peut être plus grande, avoir un poêle et un puit de lumière. C’est donc la cuisine et la pièce des repas.

Cuisine d'une maison Pamirie et chapatis par Bernard Grua
Dans la maison de Mme Pari Jahan de Zood Khun. Elle prépare des chapatis sur un le poêle en métal situé devant le dildung, sur lequel est assis Dilawar. La cuisine est séparée de la pièce principale.
Enfant wakhis dans une cuisine de Zoodkhun, par Bernard Grua
La cuisine de Pari Jahan est assez vaste pour pouvoir y prendre les repas.

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Les multiples significations et les fonctions des piliers de la khana

La description de Robert Middleton, 2002, Symbolism in the Pamiri House est un bon fil conducteur. L’article “La maison typique du Pamir” en donne, sans citer ses sources, une traduction française moyenne et abrégée. Le texte d’Avantour Pamiri Cuture est une synthèse utile. Les éléments les plus détaillés, repris ci-dessous, proviennent d’un document pdf des services cuturels de la ville de Khorog dans le Pamir tadjik. Il concerne les maisons pamiries shughnies mais l’essentiel doit pouvoir, aussi, s’appliquer aux maisons wakhies.

La conception de la maison pamirie aurait plus de 2 500 ans et serait basée sur les principes des Atash-Parasts (adorateurs du feu, zoroastriens). Les cinq piliers ont une signification sacrée dans la religion zoroastrienne. Ils font référence aux principaux “Yazata” dieux/déesses/anges. Il en est de même dans l’ismaélisme où ils s’accordent avec Mohamed et des membres de sa famille. Le nombre cinq reflète également les cinq principes de l’islam.

  1. Kha sitan (shughni) Suroosh (aryen) Mohamed (musulman)
    Chez les zoroastriens, ce pilier personnalise Suroosh – la première création d’Ahura Mazda – son fils. Dans l’islam, ce pilier est appelé par le nom du prophète Mohamed. C’est le principal pilier de la foi, image d’éternité, de paix et d’inviolabilité de la maison. C’est un symbole de pouvoir masculin et de protection.
  2. Vogznekh sitan (Shughni) Mehr (aryen) Ali (musulman)
    Dans la religion aryenne, ce pilier représente Mehr – l’un des premiers et principaux Ameshaspands créé, avec Suroosh, par Ahura-Mazda. Mehr est l’ange de la Lumière et le gardien de l’obligation. Dans l’Islam, Ali est la deuxième figure chiite après Mohamed. Il incarne la loyauté et la dévotion.
  3. Kitzor sitan (Shughni) Anahita (aryen) Fatima (musulman)
    Ce pilier symbolise Anahita, la gardienne des eaux, l’esprit de subsistance et d’éducation. C’est la place d’honneur, uniquement pour les femmes. Anahita personnifie la beauté et la piété. Elle est aussi la gardienne du feu sacré et du poêle (foyer). Quant à Fatima, la fille du prophète Mohamed et l’épouse d’Ali, elle est vénérée comme une femme pieuse, la mère de toutes les femmes musulmanes.
  4. Poygakh sitan (Shughni) Zamyod (aryen) Hassan (musulman)
    Zamyod est le gardien de la terre et des récoltes.Il est pratique et productif. Le nom musulman de ce pilier est Hassan, le fils aîné d’Ali, qui n’a laissé aucune descendance.
  5. Barnekh sitan (Shughni) Ozar (aryen) Hussein (musulman)
    Le dernier pilier personnifie le zoroastrien Ozar – un autre fils d’Ahura Mazda, gardien du feu, l’esprit de la vérité, de la bonté et de la lumière de la sagesse. Il est considéré comme le principal héritier de la religion aryenne zoroastrienne. Hussein, le fils cadet d’Ali, est l’imam assassiné particulièrement révéré par les chiites. Pour la communauté ismaélienne, Karim Aga Khan IV, est un successeur de Hussein. Il est le 49e Imam.

Le quatrième et le cinquième pilier sont joints par une traverse qui souligne la proximité des deux frères Hassan et Hussain. La barre transversale est sculptée de symboles de l’ère zoroastrienne, comprenant fréquemment une représentation centrale du soleil. Elle est parfois décorée des cornes d’un mouton de Marco Polo (Ovis poli) voire de swastikas.

Jansher Khan Tajik Wakhani indique qu’à Zoodkhun les maisons ont, aujourdh’ui, sep piliers. Mais le nombre peut monter à neuf et descendre à quatre. En wakhi, il les nomme “istin”. Anita Sarfraz propose une translittération différente, “isteen”. Mais phonétiquement, le son est le même. Selon ce premier, il y a trois paires de piliers et un pilier isolé.

1 : Chikish ghadh Istin (wakhi)
2: Dildung Ben Istin (wakhi)
3: Veer Istin (wakhi)
4 : Khunj Bar Istin (wakhi)

Les deux interlocuteurs précités, qui ont entre 20 et 30, ans ne connaissent aucune signification religieuse que pourraient avoir les piliers.

Piliers d'une maison pamirie de Zood Khun, par Bernard Grua
Piliers d’une maison de Zoodkhun

Notez qu’il serait probablement une erreur de considérer que les cinq piliers sont présents uniquement dans les bâtiments ismaïliens. Voici un exemple de piliers dans une maison chiite de la vieille ville de Ganish. Ils présentent un intérêt particulier en raison de leurs ornements sculptés.

Maison pamirie de Ganish par Bernard Grua

Dans la vallée de la Hunza, les piliers se retrouvent aussi dans des constructions préislamiques avec, parfois, des ornements bouddhiques ou tibétains. Les piliers et les poutres seraient également une structure antisismique qui pourrait survivre à la fissuration des murs ou même à la chute de certains d’entre eux.

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Le puits de lumière, seule ouverture directe sur l’extérieur

Le puits de lumière fait écho aux piliers. Il est construit avec des poutres superposées de manière à dessiner quatre boites carrées de bois aboutissant à un cinquième carré de lumière. Ces quatre carrés de bois sont appelés chorkhona (chor khana, quatre maisons). Ils représentent respectivement les quatre éléments zoroastriens : la terre, l’eau, l’air et le feu. Chez les musulmans ils rappellent les quatre conceptions de l’islam chiite: Shariat – légalité, Tarikat – Pratique, Makhrifat – Intelect et Hakikat – Vérité.

Wooden roof of a pamiri traditional house, Badakhshan province, Qazi deh, Afghanistan
Eric Lafforgue: toit d’une maison traditionnelle pamirie, province de Badakhshan, Qazi deh, Afghanistan

Cette hiérarchie des interactions montre la cohérence de la conception philosophique. À l’aide du puits de lumière, les habitants pouvaient déterminer l’approche du printemps pour commencer les travaux agraires – cultiver les terres et célébrer le Nouvel An persan – Navruz (Norouz).

Nul doute que tant d’éléments profondément enracinés dans les religions ont contribué à conserver une telle structure pendant un temps extrêmement long. Dans le Pamir, nous avons l’opportunité extraordinaire de contempler des logements, habités au quotidien, qui ressemblent à ceux construits il y a des millénaires. Mais c’est aussi un témoignage de l’accomplissement précoce, dans les montagnes d’Asie centrale, d’un optimum élaboré afin de faire face aux contraintes d’altitude et de climat, en exploitant les seules ressources limitées disponibles localement.

En savoir plus sur la permanence des symboles du zoroastrisme sur “Heritage Institute”. Pour d’autres considérations religieuses concernant la vallée de Chapursan, voir du même auteur : “Comment les religions passées et présentes ont-elles construit un palimpseste de traditions dans une haute vallée du nord Pakistan ?”

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Des matériaux locaux aux bénéfiques effets sanitaires ainsi qu’esthétiques


Importance du choix des matériaux pour le sol et les plateformes

Le sol des plateformes, où les habitants s’assoient et dorment, est généralement en bois ou en terre. Il est recouvert de tapis épais. Notez qu’il semble que la manière tadjike wakhie (probablement influencée par les habitudes russes) d’accrocher de lourds tapis de laine sur les murs n’est pas une tradition du Gojal. Le plus que l’on puisse y observer est un revêtement mural partiel ou complet avec un tissu fin aux motifs colorés. Sinon, les murs sont simplement peints.

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Les murs en pierre locale, construits sans mortier, et joints avec de la terre assurent une bonne isolation.

Dans de nombreux villages du Gojal, les principaux matériaux pour les murs des maisons, des parcelles et des terrasses agricoles sont de gros galets alluvionnaires plus ou moins ronds, extraits des sédiments. Ils ont étés récupérés sur des terrains convertis en terres arables. Comme ci-dessous, où les pierres de construction semblent bien avoir été charriées par la rivière Hunza.

Muret de pierre sèche dans le village de Passu, par Bernard Grua
Muret de verger à Passu. Gros galets de forme arrondie
Batiments de pierre sèche dans le village de Passu par Bernard Grua
Bâtiments pour le bétail à Passu. Gros galets de forme arrondie

À Zood Khun, c’est différent. Les pierres utilisées pour la maçonnerie présentent des angles vifs, comme si elles avaient été cassées à partir d’éléments plus importants. Il existe, en effet, de vastes étendues de chaos rocheux, anciennes moraines glacières, exploitées comme carrières.

Muret de pierre sèche dans le village de Zood Khun, vallée de Chapursan, par Bernard Grua
Zood Khun : un mur en pierre sèche et un autre en préparation — Au fond, le chaos rocheux (moraine glacière?) utilisé comme carrière. A son commencement, il est possible de voir le long mur du terrain de polo. Notez les arêtes vives des matériaux.

Les murs en pierre sont montés à sec, sans mortier. A l’exception des enclos et des terrasses agricoles, les espaces entre les pierres sont comblés avec de la boue qui, une fois séchée, assure l’isolation nécessaire aux hivers froids, à une altitude de 3 300 m. Ces matériaux locaux, parfaitement en accord avec le terroir dont ils sont issus, contribuent à la vision authentique et pleine de charme que propose le diyor (village). L’étonnante homogénéité des murs en pierre sèche pour les terrasses des champs comme autour des parcelles devrait être préservée à une époque où tant de suPerbes points de vue, y compris dans la vallée de Hunza, sont vandalisés par les stigmates de clôtures exotiques, voire synthétiques. .

Chemin entouré de murets de pierre sèche dans le village de Zood Khun,par Bernard Grua
Zoodkhun : tous les chemins sont bordés de beaux murets en pierre sèche (les jeunes filles vont à la bibliothèque du village)
Vue du village de Zood Khun dans la vallée de Chapursan par Bernard Grua
Zoodkhun, une harmonie encore préservée grâce à des matériaux naturels mais les premières atteintes visuelles progressent.

Etre capable de construire des murs en pierre sèche sans mortier est un savoir-faire wakhi. Dans le Pamir afghan, par exemple, les éleveurs kirghizes ignorent cette technologie. Dans leurs habitats d’altitude, lorsqu’ils veulent des constructions en plus de leurs yourtes, ils embauchent des Wakhis (Matthieu & Mareile Paley — Pamir, p. 132).

Cependant, il convient de mentionner que les parpaings de ciment commencent à apparaître pour les logements et pour les petits commerces, surmontés de couvertures de tôles et fermés par d’inévitables rideaux de fer. Ces magasins ressemblent à des garages de pauvres banlieues ou à des étals “à la mode de Naran” (les dommages sociaux et visuels du tourisme national dans la vallée de Kaghan sont très préoccupants). Heureusement, à Zood Khun, bien plus septentrional et isolé, ils sont, à l’heure actuelle, encore en petit nombre. De plus, en raison du nombre limité de visiteurs extérieurs, les commerçants n’ont pas besoin d’exhiber de dérangeantes enseignes commerciales du fait que chaque habitant connaît les marchandises ou services qu’il peut y trouver. Grâce à cette invasion contenue, la “rue principale” de Zood Khun (étant aussi le bout de la route de la vallée) reste, jusqu’à aujourd’hui, incomparablement plus poétique que celle de Sost.

La Karakoram highway à Sost en haut de la vallée de la Hunza, par Bernard Grua
Sost : “rue principale” sur la Karakoram Highway (KKH), un village/bazar avec de nombreux “bâtiments” hideux en béton et en tôle.

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Du bois pour une structure plus stable

Le bois de prédilection pour les piliers, notamment celui du prophète Mohamed, et pour les poutres du toit-terrasse est le “yarz” (genévrier) car il est solide. Il a des propriétés anti-insectes et purifiantes. C’est un arbre sacré. Sa fumée parfumée est censée faciliter l’accès au monde mystique (Matthieu & Mareile Paley — Pamir, p. 41). Il a le même niveau de reconnaissance chamanique pour les autochtones sibériens. En Europe, les galets de genévrier étaient censés repousser les sorcières et porter chance. Ils étaient également présents dans les armoires à linge afin de les protéger des mites. Les recherches cosmétiques modernes montrent que l’huile essentielle de genévrier possède de réelles qualités bienfaisantes. Cependant, si cet arbre sauvage, que l’on trouve jusqu’à 3 800 m, est lent à pousser et peu abondant, des peupliers « cultivés » plus faibles, moins désirables et moins durables peuvent le remplacer.

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Le ciment et le béton modernes ne sont pas une saine alternative aux matériaux locaux

Les maisons ayant des murs en béton rigide peuvent manquer de la propriété antisismique traditionnelle. Ils ne sont pas non plus très performants pour ce qui est de conserver la chaleur en hiver, surtout avec des ressources limitées en combustible. De plus, le sol en béton froid peut provoquer des douleurs articulaires lors de stations assises ou allongées sur les plates-formes. Ces raisons pourraient être celles qui expliquent pourquoi certaines familles ayant des maisons modernes dans le “nouveau Ganish” retournent dans leur ancien logement pendant la période la plus froide. C’est une information utile pour Zood Khun qui est situé 1000 m plus haut que Ganish et qui fait face à un climat plus rude.

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Un enduit voilant progressivement une vision intemporelle.

Même sur des murs traditionnels, il semble à la mode, de nos jours, d’enduire les façades d’une couche sombre de ciment. C’est affecter l’harmonie du paysage. C’est, en outre, un piège empêchant les murs traditionnels de “respirer”, en bloquant l’évaporation, en facilitant la condensation et en conduisant à l’accumulation d’humidité. Ces murs gris monotones sont, parfois, décorés de motifs géométriques. Il ne semble pas qu’une telle ornementation ait une signification particulière. Selon Moumtaz, un des enfants du village, « c’est pour le style ». De même, les angles des murs enduits et l’encadrement des ouvertures sont soulignés par des bandes tracées à la peinture blanche.

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Intérieur de maisons wakhies dans le corridor du Wakhan afghan par

Eric Lafforgue

Album Afghanistan sur Flickr

Afghan family inside their traditional pamiri house, Badakhshan province, Qazi deh, Afghanistan
Famille afghane à l’intérieur de leur maison pamirie traditionnelle, Qazi deh, province du Badakhshan, Afghanistan
Afghan family inside their traditional pamiri house, Badakhshan province, Wuzed, Afghanistan
Famille afghane à l’intérieur de leur maison pamirie traditionnelle, Wuzed, province du Badakhshan, Afghanistan,
Afghan family inside their traditional pamiri house, Badakhshan province, Khandood, Afghanistan
Famille afghane à l’intérieur de leur maison pamirie traditionnelle, Khandood, Badakhshan, Afghanistan

Published by Bernard Grua

Graduated from Paris "Institut d'Etudes Politiques", financial auditor, photographer, founder and spokesperson of the worldwide movement which opposed to the delivery of Mitral invasion vessels to Putin's Russia, contributor to French and foreign media for culture, heritage and geopolitics.

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